Retour sur le 89e congrès de l’IFLA : normes et métadonnées en transition

Le Bayterek à Astana (Kazakhstan) © Florence Tfibel

Le 89e congrès de l'IFLA, qui s’est déroulé du 18 au 22 août 2025 à Astana, au Kazakhstan, a réuni environ 1 600 professionnels du monde entier pour un programme scientifique riche de près de 200 sessions. La BnF s’investit depuis longtemps dans les activités de l’IFLA, notamment sur les questions de métadonnées, et participe chaque année au congrès. Celui-ci était le premier depuis 2023, l'année 2024 ayant été marquée par les vives polémiques puis le retrait de la candidature de Dubaï. Cette année, à Astana, la participation était plus faible qu'à l'accoutumée, mais la localisation semble avoir eu un rôle positif dans la représentation des bibliothèques d'Asie de façon générale, et les questions abordées étaient plus passionnantes que jamais. Petit retour un sujet qui nous intéresse particulièrement : la transition bibliographique. 

Un état des lieux des normes

Dans la structure complexe de l’IFLA, le Comité des normes est chargé de coordonner l'activité normative, non seulement pour les standards liées aux métadonnées, mais également de façon beaucoup plus large (accueil des publics, bibliothèques « vertes »…). Plusieurs documents normatifs de fond ont été mis à jour en 2024-2025, et sont publiés ou en cours d'enquête mondiale, notamment dans le domaine des catalogues et des métadonnées (un suivi en temps réel des travaux est disponible sur la page du Comité). 

L’adoption par l’IFLA du modèle conceptuel IFLA-LRM a des conséquences importantes sur toutes les autres normes liées aux catalogues et aux métadonnées, qui doivent évoluer pour permettre sa mise en œuvre. Or si les travaux sur IFLA-LRM sont globalement achevés depuis plusieurs années (le modèle connaît des adaptations mineures, habituelles dans la vie d’une norme établie, mais guère plus), les autres normes ont connu des rythmes d’avancement divers, tant au niveau des normes d’application, comme le code de catalogage ISBD et la norme d’encodage UNIMARC, que des normes de plus haut niveau, comme les Principes Internationaux de Catalogage ou le Contrôle Bibliographique Universel. 

• La nouvelle déclaration sur le contrôle bibliographique universel (UBC) a été approuvée en juillet dernier par le Governing Board de l’IFLA.
• Les Principes internationaux de catalogage (PIC) ont fait au printemps dernier l’objet d’une consultation mondiale. Certaines parties ayant fait débat, leur publication n’aura sans doute pas lieu avant l’an prochain.
• L’ISBD pour les manifestations a quant à lui été approuvé par le Governing Board il y a quelques semaines : il reste à effectuer un travail similaire pour chacune des autres entités du modèle LRM. Un programme de travail ambitieux aboutissant à une publication complète pour 2027 a été présenté lors de la réunion publique du groupe chargé de sa maintenance et de son développement.
• Du côté d’UNIMARC, un travail continu et régulier a été entrepris depuis plusieurs années pour adapter le format à LRM, mais en l’absence d’un code de catalogage à jour parmi les normes de l’IFLA, le travail s’est beaucoup appuyé sur le code RDA (commercial, hors IFLA et dont la gouvernance est assurée exclusivement par trois institutions nord-américaines) et, en raison d’une forte participation française au Permanent UNIMARC Committee (PUC), sur RDA-FR. Malgré l’avancement des travaux, un travail complémentaire systématique d’harmonisation avec les ISBD liés à LRM reste donc à effectuer, au fil de leur publication.

Un enjeu majeur pour le Comité des normes ces dernières années est la mise en place de procédures et des circuits harmonisés et lisibles, pour un développement mieux coordonné des normes entre elles. Ces travaux ont une importance cruciale pour les normes de métadonnées maintenues par l’IFLA, en particulier dans le contexte bouillonnant d’adaptation de l’ensemble des normes liées aux métadonnées au modèle IFLA-LRM. Il s’agit en effet de garantir l’existence d’une suite complète de normes internationales gratuites et cohérente entre elles. 

Implémenter, mais comment ?

Au-delà des questions précédemment évoquées de calendriers respectifs et d’harmonisation des travaux entre les diverses normes, des questions de fond liées à l’implémentation concrète du modèle LRM émergent pour la première fois cette année au centre des discussions des groupes IFLA. Elles font écho à des interrogations françaises sur la mise en œuvre du programme Transition bibliographique, et en lien avec la diffusion des données de Noemi. Au niveau des Principes Internationaux de Catalogage, la notion de « catalogage traditionnel » opposé à un « catalogage LRM » pose question : plusieurs membres des groupes métadonnées jugent qu’il s’agit d’une confusion entre le maintien d’un catalogage correspondant au modèle conceptuel antérieur à LRM, et la possibilité d’exprimer ce modèle dans des structures de catalogue (entendre, des architectures de notices) diverses, y compris se rapprochant de la structure actuellement la plus répandue. C’est l’approche implicitement défendue par le groupe ISBD, qui prévoit de publier des ISBD autonomes et distincts pour chaque entité du modèle LRM, permettant ainsi aux utilisateurs de choisir et combiner à leur guise ce qui leur semble le plus adapté à leur contexte propre. 

Les remarques des observateurs, lors de la session de travail du groupe ISBD, ont cependant fait ressortir une certaine inquiétude quant au sort de l’ancien ISBD (rebaptisé « ISBD Consolidated »), que le groupe ne développera désormais plus. De fait, l’enjeu est important, puisque les nouveaux ISBD ont une approche très « RDF » de la norme, et ne se préoccupent par exemple plus de ponctuation – or certaines structures de très petite taille ont encore besoin de catalogues papier ou fichier, que certains gros réseaux, comme le COBISS (catalogue partagé de plusieurs bibliothèques d’Europe de l’Est) propose à ses utilisateurs la récupération et l’impression de fiches papier traditionnelles à partir de ses notices.

Du côté d’UNIMARC, l’approche est similaire à celle des nouveaux ISBD, le format étant finalement très peu prescriptif. L’accent ces dernières années a été mis sur la création d’éléments permettant d’exprimer tout le modèle au sein du format existant, mais il existe très peu de contraintes imposées. Un arbitrage se profile cependant, lié à la republication des Manuels sous de nouveaux formats, autour du statut des éléments historiques du format sortant clairement du modèle LRM. Le groupe a prévu de se saisir cette année de cette question, et de publier à la fin de l’année une feuille de route du format à l’usage des utilisateurs, expliquant la stratégie générale et les développements prévus dans les années à venir, en lien avec l’évolution du contexte non seulement normatif mais aussi technique.

Vers de nouveaux services

Un besoin récurrent exprimé par les utilisateurs des normes bibliographiques de l’IFLA est celui d’une documentation plus accessible et ergonomique. Le groupe METATEC, chargé des standards techniques de l'IFLA, s'apprête à déployer une plate-forme d'administration et de publication des normes. Ce nouvel outil, conçu et testé pour la publication d’ISBD manifestations, permettra une diffusion sous forme de site Web, de documents statiques et d'espace de noms à partir d'une source unique. Par ailleurs, les discussions au sein du groupe ont permis de faire émerger l’idée d’un outil permettant la gestion de profils d’application des normes IFLA, ou encore de mettre à disposition des mappings. Les groupes de travail en constituent en effet régulièrement dans le cadre de leurs travaux, mais ne peuvent que difficilement les partager en raison de l’absence d’un formalisme commun et d’une plateforme permettant d’en centraliser l’accès. 

La table ronde « Meet with Metadata », organisée par le Comité des normes, a par ailleurs été l’occasion de faire ressortir l’importance pour les normes IFLA de prendre en compte les normes et besoins extérieurs. Après une courte présentation se voulant accessible des activités de chacune des unités de l’IFLA liées aux métadonnées, les intervenants ont répondu aux questions du public. Beaucoup portaient sur l’articulation et l’harmonisation entre les normes IFLA et des normes externes, comme MARC21 ou RDA, ou encore sur des besoins non couverts, par exemple les informations d’accessibilité, mais aussi d’accès et de droits portant sur les ressources décrites. La rencontre a également été l’occasion de constater de façon frappante la crise de recrutement chronique qui frappe ces unités, pourtant parmi les plus productives et les plus attendues sur leurs résultats, les normes qu’elles maintiennent étant d’usage courant à l’international, et présentant l’avantage de plus en plus rare d’être libres et gratuites. 

Rendez-vous en août 2026 pour le 90e congrès qui se tiendra à Busan, en Corée du Sud !